
02 Fév Monter à cheval en musique : un excellent outil pédagogique
Le sens du rythme est une notion primordiale pour faire corps et être en harmonie avec son cheval. Que ce soit lors de la découverte du trot enlevé, ou plus tard le travail de la cadence dans un appuyer au galop ou un parcours d’obstacle, le rythme est la clé de la symbiose avec le cheval.
D’autre part, dans la pratique de l’équitation, il est souvent question de la gestion du mental. Que ce soit du stress, de la peur ou une contraction physique de l’un des deux membres du couple cavalier/cheval, c’est souvent source de crispations mutuelles. L’usage de la musique favorise la coordination cavalier/cheval, et est un excellent moyen de progresser dans sa technique.
Monter à cheval en musique : ressentir les notions de rythme et cadence
Dans la théorie
Quelques définitions préalables (Cf glossaire ffe du dressage) :
Rythme : Répartition des durées entre les posers. Il caractérise chacune des allures (4 temps égaux au pas, 2 temps égaux avec projection au trot et 3 temps inégaux au galop).
Cadence : Fréquence des battues = fréquence du poser d’un membre de référence (au pas 1234,1234,1234…).
Petit rappel préalable concernant le mécanisme des allures : mieux comprendre comment le cheval se déplace sous nos fesses permet de mieux comprendre nos sensations. Au pas, êtes vous capables de sentir quand le postérieur intérieur se lève ? Etes vous capables de marquer la mesure (« tac…tac…tac ») ?

Mécanisme du pas – Source : https://dunchevalautre.com

L’allure du trot – Source : https://dunchevalautre.com

Fonctionnement au galop – Source : https://dunchevalautre.com
A chaque allure et à chaque cheval son rythme, dont la cadence est calculée au moyen des Battements Par Minutes (BPM). Pour un cheval à amplitude naturelle moyenne, on comptera de 92 à 116 BPM pour le pas, de 145 à 160 pour le trot, de 95 à 110 pour le galop.
Pour monter en musique, c’est donc intéressant d’avoir sélectionné au préalable des musiques propres à chaque allure. N’hésitez pas à vous créer une playlist « pas », « trot » et « galop ». Chaque personne ressent la musique différemment, certains ont le sens du rythme – d’autres pas du tout. Pour démarrer on vous conseille donc de privilégier des rythmes prononcés, voir d’ajouter un métronome calqué sur la musique (il existe un outil google en ligne).
Dans la pratique
Pour un enseignant qui mène une séance en groupe :
Il ne faut pas hésiter à rassembler tout le monde pour observer un couple évoluer sur la piste, en musique. Attirer l’attention des cavaliers sur un pied en particulier (par exemple, le poser d’un postérieur) afin de repérer la corrélation entre le rythme du métronome ou du tempo et le mouvement du cheval.
Pour la pratique à titre personnel :
Prenez le temps de fermer les yeux et laissez vous porter par la musique. Soyez observateurs, relâchez-vous, concentrez-vous sur les mouvements de votre bassin, sur la poussée des postérieurs, le balancier de l’encolure, etc.
Pour les plus avancés :
L’usage de la musique est une bonne façon d’aborder la notion de cadence. Travailler sur la cadence du cheval est plus facile pour un cavalier qui aura intégré le rythme qu’il doit suivre. Un exercice intéressant est de travailler l’amplitude du cheval sur une même musique, sans changer de rythme. Aborder le rassembler avec la musique permet aussi de ne pas perdre le rythme et l’impulsion, et de se concentrer sur l’équilibre à travers une cadence très lente.
Le summum du rassembler : Nuno Olivera au piaffer, rythme lent et puissance – Source : Wikipedia
Monter à cheval en musique : le travail du rythme
Pour travailler le tact
Le travail de la régularité est la première étape sur l’échelle de progression du cheval. L’une des premières phases avec un jeune cheval consiste à lui apprendre à retrouver la qualité de ses allures naturelles, avec un cavalier sur le dos, et ce en accord avec sa morphologie et ses facultés. Même un cheval plus âgé, s’il se contracte dans le travail, ne pourra pas utiliser correctement son corps. Peut s’ensuivre alors incompréhension, manque de coordination, dissymétrie, contraction musculaire et même lésion ligamentaire.
Il est donc important pour le cheval d’apprendre à « soutenir » son dos (on parle communément de ligne du dessus). Et ce, sans raideur. Or la main du cavalier peut être source de contraction. Une main accrochée aux rênes va inciter le cheval soit à s’appuyer (manque de soutien du dos) soit à la fuir (encolure donc dos contracté). Pour le cavalier, cela peut être difficile de trouver le juste contact (pas contracté, mais pas relâché non plus). C’est ce qu’on appelle le tact.
Pour une meilleure coordination
L’emploi de la musique est une aide formidable ! Particulièrement des musiques au rythme prononcé ou l’emploi du métronome par dessus la musique. Le cavalier va être guidé par le rythme qu’il va suivre avec son corps, parfois sans s’en rendre compte, juste à travers des micro-mouvements, sinon consciemment. En se calquant à ce rythme, le cavalier va naturellement doser ses aides, harmoniser son fonctionnement avec la locomotion de sa monture : la communication est simplifiée.
Autre exemple de l’utilisation de la musique : le travail à l’obstacle. On a souvent été confronté à la difficulté de trouver le bon galop de concours, ou bien même LA cadence de galop sur un enchaînement à la maison. Se calquer sur un rythme en particulier pourra permettre de maintenir le galop recherché, particulièrement dans les abords. Essayez ! Si le rythme est bon, on favorise les « bonnes places » et les sauts de qualité.
Rythme du cross (Source : Pixabay)
La gestion du mental
Chez le cheval…
Si l’aspect technique de l’utilisation de la musique à cheval est intéressante, l’aspect psychologique ne l’est pas moins ! Tant pour l‘équidé que pour le cavalier à la recherche de performance.
Depuis quelques années, des études ont mis en relation musique et émotions chez l’Homme et différentes espèces animales dont le cheval domestique. D’un point de vue neurologique, le traitement des émotions est mis en corrélation avec celui de l’écoute de la musique. La société Horsecom, à l’origine d’un casque audio pour le cavalier et le cheval, a d’ailleurs fait mener plusieurs études scientifiques : il en ressort que la musique (en particulier la musique classique) permet une meilleure gestion de l’anxiété chez le cheval et, en cas de stress (découverte d’un nouvel environnement,…), un retour au calme plus rapide tant au niveau comportemental que physiologique. Ainsi, un cheval plutôt craintif et peureux s’apaise, facilitant la concentration au travail et à l’effort. Il en est de même pour un cheval dissipé, difficile à intéresser : ce sera plus facile de capter l’attention et la concentration.
Enfin, une playlist de musique au BPM rapide, et surtout à l’air entraînant, permettra de stimuler le dynamisme et la mise en avant. La musique permet donc bel et bien de participer au développement du bien-être du cheval.
…et chez le cavalier
L’aspect psychologique du cavalier n’est pas non plus à négliger. Bon nombre de cavaliers souffrant de peurs souvent paralysantes peuvent rencontrer des difficultés dans leur évolution. Que cela se traduise par des cavaliers qui se tétanisent devant la moindre barre d’obstacle, ou des cavaliers figés dans leur corps, il est souvent difficile de pallier efficacement ces blocages. En tant qu’enseignant, ou si vous pratiquez seul, l’utilisation de la musique rend possible le déverrouillage de certaines problématiques. En demandant au cavalier de fixer son attention sur la musique, de s’en laisser envahir, on détourne son attention, on occupe son cerveau. Certains cavaliers peuvent avoir du mal à lâcher prise, à donner leur attention entièrement à leur cheval. Et surtout à leurs sensations. L’expérience musicale facilite la décontraction, et favorise une meilleure communication dans le couple, si cher à une bonne relation cavalier/cheval.
Il existe donc une large palette de possibilités quant à l’emploi de ce support pédagogique peu commun et ludique, avec tous types de niveaux, de cavaliers et de chevaux, à la recherche de la performance mais toujours dans le but de renforcer le relationnel entre cavalier et cheval.
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Retrouvez des idées de playlist pour chaque allure et chaque problématique dans une fiche pédagogique à suivre : comment animer un premier cours en musique ? Que faire lors de sa première séance en musique ?
Bibliographie :
– Equitation par le rythme, Xavier Delalande, Belin
– Incidence de la diffusion intra-auriculaire de musique chez le cheval Equus ferus caballus dans la gestion des comportements de peur et du stress, mémoire de fin d’étude, FERARD Marion